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Dominique Letellier, auteur












































































































PRISONNIERS DE L'ENFER VERT

Le texte présenté sur ce site n'est absolument pas définitif.
Tous les chapitres de ce roman sont en cours de réécriture.


Chapitre 3


« - Excusez-moi, quel était le problème ? » s’enquit Mark.
A leur étonnement, ils le virent sourire.
« - Monsieur Walder est bien plus doué pour la mécanique que pour l’espagnol !... Soyez tranquille : ils ont trouvé une solution !
- Il ne va pas venir avec eux, n’est-ce pas ? » lui lança Juliette.
Le pronom n’était pas si impersonnel.
« - L’unique but de ces cinq hommes est la réussite de l’expédition et la survie de tout le monde… Ceux qui restent, venez avec moi. Nous devons nous organiser pour cette nuit.
- Nous, nous devons préparer nos affaires ce soir. » leur confirma en anglais l’inconnu blond qui s’était approché. Il tendit une feuille à Mark. « Vous prendrez un sac à dos. Pour les vêtements, vous aurez ce que vous porterez sur vous. Vous emmènerez une seule autre tenue qui vous servira pour le soir et la nuit. Rien de plus. N’oubliez pas le nécessaire pour vous laver et le traitement pour le paludisme !... Bien sûr, nous répartirons le matériel pour le campement entre tous les membres. »
Hélène consulta la liste et s’indigna en français :
« - C’est si mal écrit ! Pire qu’un lycéen !
- Alors, il faudra vous adresser à Monsieur Walder… Moi, je n’ai rien noté du tout. » se défendit l’homme, avec un sourire.
Et il était plus à l’aise dans la langue de Molière qu’en espagnol.
« - Oh ! Quelles langues connaissez-vous ? »
Mark était bilingue en français et en anglais. Il parlait l’espagnol tout comme Jocelyne qui pouvait soutenir une conversation en anglais. Par contre, si Hélène avait des notions de la langue de Shakespeare, son niveau d’espagnol était limité.
« - Oui, la question n’a même pas été soulevée ! » se plaignit-elle.
- Nous avons à peu près résolu le problème. Je dois encore voir deux passagers. Voyez avec une hôtesse afin de récupérer vos bagages et prendre l’indispensable pour la marche.
- A propos, si vous êtes aussi le patron de l’expédition… quel est votre prénom ? » émit Mark.
- Piet… Le chef est bien Monsieur Walder ; je le seconderai !
- Alors, Piet… Au sujet de… Enfin, vous savez qui… »
Hélène jeta un regard vers le prisonnier.
« - Oui, il vient avec nous… Soyez tranquilles, Ruiz l’a mis en garde. Walder et moi, nous le surveillerons en permanence. Nous serons également quatre hommes contre un seul.
- De quoi est-il coupable ? »
Piet fixa Mark.
« - Je ne sais pas.
- Vous ne voulez pas nous effrayer. » supputa Hélène.
- Je l’ignore vraiment. Walder est peut-être au courant. Marquez et Ruiz sûrement… Moi, tout ce qui m’intéresse est de revoir ma femme et ma fille le plus vite possible. Le reste… »
Il fixa l’inconnu qui s’éloignait avec ses trois compagnons.
« - Ce qu’il a dit pendant notre réunion était intelligent... Je fais de la randonnée, en milieu facile. » expliqua Piet.
- Justement, il lui suffit de reprendre quelques idées bien répandues. » insista Hélène.
- Non, il a donné des détails très précis. Il y a deux manières de les connaître. La première est de les avoir lus dans un manuel très... spécialisé et... la deuxième est évidemment d’avoir effectué une randonnée dans un contexte difficile.
- Et, habituellement, il pratique la randonnée ? »
Piet porta son attention sur Jocelyne.
« - Il m’a dit qu’il en avait fait il y a quelque temps… Des randonnées de courte durée. Et il faisait régulièrement du camping…
- Ça ne nous servira pas ! Dans les campings d’aujourd’hui, le confort est tellement présent. Cela ne nous change pas beaucoup du reste de l’année ! » le coupa Hélène.
- Du camping en forêt... Du camping sur une plage déserte.
- Du camping sauvage, par conséquent. Les conditions sont très différentes ! » souligna Jocelyne.
- Je ne veux pas vous donner d’ordre, mais préparez maintenant vos affaires. Nous devons nous coucher de bonne heure, car je vous rappelle que, demain, nous partirons tôt, vers six heures. »
                L’échancrure causée par l’atterrissage facilitait dorénavant l’accès à la soute. Le personnel s’était organisé : les biens étaient donnés à condition de présenter son passeport. Des voyageurs s’insurgeaient contre la participation du prisonnier à l’expédition. Un homme âgé essayait, sans succès, de temporiser la situation... Jocelyne avait enfin récupéré sa valise et son sac. De la main, Mark lui fit signe. Il était en compagnie d’Hélène, de la femme aux longs cheveux bruns et de l’individu à l’appareil photographique. Tous triaient leurs affaires.
« - Je vous rappelle, le minimum, mes chers compagnons, le minimum… Ce n’est pas par manque de galanterie. Toutefois, chacune et chacun devra porter le sac contenant ses possessions. C’est la consigne qui est donnée ! » annonça Mark. « Les effets qui resteront ici seront sous la bonne garde d’Emilio Salinas. Je vous conseille aussi de laisser vos lingots d’or dans l’avion. Les magasins seront absents le long de notre parcours ! »
A l’attention de Jocelyne, l’homme esquissa une mimique. Son humour ne serait peut-être pas apprécié par tous : il lui permettrait pourtant de baisser de quelque peu sa propre tension.
« - Non, nous avons besoin de plusieurs vêtements de rechange !
- La consigne, la consigne, Hélène !... Il y a ce cours d’eau que nous suivrons. Alors, il nous permettra de laver notre linge. Vu l’excellente température de cette forêt qui nous accueille, il va sans dire que nos affaires seront sèches le lendemain !
- Je veux avoir suffisamment de vêtements de rechange !
- Moi, je voudrais surtout qu’un type dangereux ne vienne pas ! »
Mark tança du regard l’homme à l’appareil photographique.
« - Nous en avons parlé tout à l’heure et le commandant Marquez vous a répété pourquoi il l’autorisait à venir. »
Le Canadien se tourna vers Jocelyne.
« - Il est venu lorsque vous attendiez votre valise !... Oh ! »
Jaime Marquez et Sancho Ruiz arrivaient justement près d’eux.
« - Nous pouvons vous parler… en privé. »
Près du débris d’une aile, le policier expliqua à Jocelyne :
« - Pour votre... voisin… Les gens ont refusé de revenir près de lui et ils ont pris des fauteuils plus loin.
- Moi, je ne bougerai pas ! Les huit membres de l’expédition vivront ensemble durant plusieurs jours… Je ne m’attendais pas à la… à la présence d’un prisonnier dans l’avion et qu’il nous accompagnerait pour chercher des secours… Mais… »
Jocelyne chercha ses mots pour mieux exprimer ses idées.
« - Mais il aurait pu se taire et rester lài, près de la carlingue… Ensuite, il va partager les mêmes risques que nous...
- Walder et Van Malden seront très prudents. Lui-même, nous l’avons mis en garde. Il n’a pas le droit à la moindre erreur ou il le paiera cher… Et, cette nuit, il sera menotté. »
Ces paroles la mirent mal à l’aise. Ce n’était pas cette punition en cas de propos, de gestes dangereux qui la gênait. Elle le saisissait. La moindre erreur ? Et si l’homme se trompait involontairement. En d’autres circonstances, cette faute lui serait pardonnée. Là, Walder supputerait-il à un désir de nuire ?
« - Même s’il n’y a que très peu ou pas de conséquence ?
- Aucune erreur. Je ne peux pas lui donner cette liberté sans cette contrepartie… Et n’oubliez pas si vous avez besoin de quoi que ce soit, nous sommes à votre disposition. »
Jocelyne pensa : lui donner cette liberté… Eux-mêmes, ils étaient déjà prisonniers de cette forêt… Alors, pour leur compagnon déjà prisonnier de la justice, comment aurait-il pu être libre ?
                Un récapitulatif des bagages, des biens disponibles était achevé. Des stewards réunissaient les objets utiles pour l’expédition. Malgré les événements, ou à cause des événements, Jocelyne n’avait pas très faim. Il lui était pourtant indispensable de garder toute sa vitalité. Elle s’efforça d’avaler le dîner. Quand se mitonnerait-elle un gâteau qu’elle affectionnait tant ? Cette idée l’amena à savourer chaque bouchée. En fixant les arbres derrière le hublot, elle se remémora la liste. Oui, elle n’emmenait que le minimum. Demain, son sac lui paraîtrait léger. Dans cinq jours, il serait lourd… Le matériel collectif serait réparti le lendemain. Il faudrait compter sur ce poids supplémentaire…
                Et si elle essayait de dormir ? S’adossant contre la paroi, Jocelyne posa la couverture par-dessus son corps et ses jambes dépliées sur le siège voisin. Elle sentit qu’elle commençait à somnoler... Le repos lui permettrait de tout oublier ou bien elle l’imaginerait... La jeune femme tressaillit. Cette protestation avait surgi dans la nuit. Bien qu’il fût plus de vingt-trois heures trente, des exclamations s’élevèrent. La Française se redressa… Elle ne s’était pas trompée. Dans l’allée de gauche, Luis avançait, une veste de costume à la main. Il était suivi du prisonnier - en chemise blanche et sans les menottes - d’Emilio Salinas et Sancho Ruiz. L’inconnu s’assit sur le siège qu’il occupait durant le vol. Sous le regard offusqué de certains voyageurs, Luis lui donna la veste, un oreiller et une couverture. Emilio Salinas se pencha vers le captif puis remit un petit objet à Sancho Ruiz, installé sur un fauteuil de la rangée précédente. Le chef de cabine revint vers le fond de l’appareil tout en répondant à des passagers... Involontairement, Jocelyne avait une vue directe sur son voisin. Songeur, l’homme frissonna. Elle le vit prendre de sa main gauche sa veste pour la glisser vers son épaule droite. Le geste la frappa : son poignet ne portait pas de menotte. Sa curiosité exacerbée, elle l’observa de manière subtile. Il avait le torse et le côté droit du corps assez tourné vers le hublot. L’étranger essaya de disposer la couverture sur lui. Brusquement, Jocelyne devina. Il n’utilisait que sa main gauche. Et, pour cause, la droite était attachée à une barre sous le hublot. Elle se rappelait les paroles de Sancho Ruiz. Ensuite ? L’homme serait-il toujours menotté durant l’expédition ? Ce fut à son tour de frémir. L’ensemble de ses inquiétudes revint à la surface. Comment cette marche se déroulerait-elle jour après jour ? Quelle en serait l’ambiance ? Comment cette cohabitation se passerait-elle ? Pourquoi l’homme était-il rentré si tard ? Toutes ses questions eurent raison d’elle. Fatiguée, la Française plongea dans le sommeil... Dans la cabine, le silence s’imposa. Les passagers se recouchaient... A une distance notable par souci de sécurité, les feux de camp brillaient. Une équipe, composée de personnel et de voyageurs, se relayait pour garder ces traces visibles, comme les panneaux de signalisation de détresse le jour, dans l’espoir qu’un avion les repérerait.
                Dans un cycle beaucoup plus léger, Jocelyne s’éveilla. S’agissait-il de cette quinte de toux interminable ou de ces ronflements deux rangées derrière elle ? Plus que trois heures et demie de sommeil. Etait-ce un signe ? La victime de ronflements s’était tue, celle de la toux aussi. La jeune femme réajusta l’oreiller. Son cœur s’arrêta presque de battre et elle resta la bouche semi-ouverte. La lune, brillante, pénétrait davantage à travers des hublots qui n’avaient pas été clos. Jocelyne ne pouvait pas avoir de doute : le prisonnier s’était levé. Quelles étaient ses intentions ? Sa silhouette était courbée. Dos contre la paroi, l’homme lui faisait maintenant face. Il observa autour de lui, avant de rester immobile, pensif durant une vingtaine de secondes. Soudain, il sortit de cette léthargie. Il plaça son avant-bras gauche contre le dossier du siège. Progressivement, son ombre disparut. Jocelyne comprit. Le prisonnier s’était laissé glisser pour s’asseoir sur le sol entre son propre siège et le fauteuil précédent. La couverture de l’homme avait bougé vers cet espace. Il avait préféré s’installer là parce que cette position devait être plus confortable qu’en restant assis, avec un bras qu’il pouvait à peine bouger. De son côté, elle devait également songer au sommeil. Comme pour la contrarier, ses pensées revinrent sur son père et son frère. Quelles étaient les nouvelles en France ? La disparition de l’avion avait été à la une des médias. Lorsque des appareils avaient ainsi disparu, elle s’était toujours posé mille questions sur les survivants éventuels, leurs familles. A l’heure actuelle, elle était à la place des premiers. Elle se réconforta en s’affirmant que nul ne les laisserait tomber… Et lui ? Qui était au courant de son retour ? Quels parents, au sens large, s’étaient préoccupés de sa situation ?... Oh ! Elle ne savait pas s’il dormait déjà, mais elle savait qu’elle devait arrêter de réfléchir... Elle devait récupérer des forces.




Avec mes plus grands remerciements à Messieurs Julien et Rolland (anciens pilote et commandant de bord), membres de l'AAMA (Association des Amis du Musée de l'Air) qui m'ont apporté de très, très nombreux et précieux renseignements.




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