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Dominique Letellier, auteur
















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Pièges

Avec Marion, débarquez
à Vancouver au Canada
pour piéger des trafiquants,
mais méfiez-vous
de tout et de tous,
amis et ennemis !
























































































PIÈGES

Chapitre 2

Dimanche 1er octobre 1995

                 Ce fut le téléphone qui la réveilla. D’une main lourde, elle décrocha, encore ensommeillée.
« - Mme Leroy ?
  - Vous êtes ? »
L’homme d’une trentaine d’années déclara en français :
« - Wang Li... Nous avons un ami en commun... Il... Il m’a dit que vous étiez à Vancouver pour affaires. »
Marion se redressa, un coude sur l’oreiller.
« - Je vous écoute... Qu’avez-vous à me proposer ?
  - Trois kilos... Et notre marchandise est d’excellente qualité... Nos prix sont, eux, tout à fait intéressants.
  - Malheureusement, je crois que... vous avez très mal interprété mes besoins pour le volume. »
Sur ces paroles, elle raccrocha. Un instant, elle regretta son geste avant d’analyser le dialogue. Wang Li la rappellerait... dès qu’il en aurait référé à son supérieur. Quelle que fût l’identité de celui-ci, il n’abandonnerait pas un potentiel contrat. Mais l’importance de la requête, de tous ces kilos exigés à livrer en un temps record, réduisait le nombre des fournisseurs. Sur cette partie du continent, ils étaient deux. Et, au Canada même, il ne restait plus que Ronald Greeman, le seul à dénicher si vite quatre-vingts kilos de cocaïne. Les perspectives d’un nouveau marché, l’appât du gain ne le laisseraient pas insensible, comme le prévoyaient Marion et Mei Shunfu.
                 Elle finissait de s’apprêter lorsque la sonnerie du téléphone la surprit pour la deuxième fois de la matinée. Plusieurs secondes s’écoulèrent dans un suspense grandissant.
« - Mme Leroy ? »
Cette fois-ci, le correspondant était une femme.
« - Je suis Bridget Bentler. »
La collaboratrice connue de Ronald Greeman. Marion porta son entière attention à ses propos.
« - Vous n’avez pas de temps à perdre ; nous, non plus... Mon collègue s’est mal exprimé tout à l’heure... Nous pouvons vous livrer une certaine quantité à un prix très raisonnable.
  - L’exacte quantité que je désire ? »
Il y eut un silence. Un homme murmura et Bridget Bentler reprit après une indécision :
« - Je pense que nous sommes en mesure d’accéder à votre demande... Bien que nous ne puissions pas négocier les termes de notre contrat par téléphone...
  - Je suis disposée à vous rencontrer... seulement, assez vite... Je tiens à vous informer que je dois voir également sous peu une tierce personne. Je prendrai ma décision... définitive ensuite. »
Elle entendit un chuchotement avant une réponse claire :
« - Cela est entendu... A midi, à la promenade côtière, à Prospect Point, au Stanley Park... Vous trouverez sans peine. A bientôt ! »
Malgré sa victoire, obtenir un rendez-vous, Marion ne se sentit pas marquée par un enthousiasme débordant. Durant les heures qui suivirent, elle se prépara une nouvelle fois à son personnage, se posant mille et une questions inhérentes à son caractère, son attitude, ses pensées et gestes de quelques jours. Elle avait déjà répété son rôle, mais, cette fois-ci, ses partenaires ne lui pardonneraient pas la moindre erreur. La plus petite faute lui serait fatale.
                 Dix heures trente précises. La jeune femme quitta l’hôtel. Une vingtaine de minutes plus tard, un autobus la déposait à l’entrée du Stanley Park qui s’étendait sur quatre cent cinq hectares. Passée la découverte plutôt reposante de l’Aquarium et du Zoo, elle se promena, comme les nombreux visiteurs, touristes ou citadins. Les pelouses et les buissons fleuris, parfaitement entretenus, incitaient à flâner la journée entière. Sans hâte, la Française se dirigea vers la route qui faisait le tour complet du parc, soit dix kilomètres. Bicyclettes, patins à roulettes circulaient sur la voie gauche tandis que l’autre était réservée aux piétons. Près de la première piste, une forêt dense se dressait. A droite, coulait le bras de mer de Burrard qui, vers l’est, rejoignait l’intérieur des terres et, vers l’ouest, se confondait avec l’océan Pacifique. Après la traversée du Lions Gate Bridge, West Vancouver et North Vancouver s’exposaient fièrement. Au-dessus de ces deux banlieues, les Lions Peaks, la montagne de Grouse et les contreforts des Coast Mountains surplombaient Vancouver et son agglomération.
                 Surveillant sa montre, Marion marcha tranquillement. Peu avant midi, elle parvint à l’extrémité du Stanley Park, baptisée Prospect Point. A l’horizon, scintillant sous mille feux, le Pacifique s’étendait à l’infini. Elle s’assit sur un banc. Comme tous sur cette promenade, il portait une plaque commémorative, apposée en souvenir d’un être aimé.
« - Bonjour ! »
La voix appartenait à Bridget Bentler. Agée de trente-cinq ans, celle-ci ressemblait davantage à une énergique femme d’affaires. Si le tailleur noir lui conférait un aspect austère, son visage était, quant à lui, adouci par une complaisance certaine. Marion serra la main tendue puis ses yeux se posèrent sur les deux compagnons de son interlocutrice. Le premier, d’origine asiatique, était indubitablement Wang Li. Effacé, presque même inexistant, il offrait un saisissant contraste avec Bridget Bentler. La jeune femme porta son attention sur le second homme. La dernière personne qu’elle eût souhaité rencontrer sur cette planète se tenait devant elle : l’inconnu aux lunettes de soleil. Aussitôt, il la salua en français :
« - Bonjour mademoiselle... J’espère que vous excuserez ma présence imprévue pour vous. Néanmoins, Bridget a absolument tenu à ce que j’assiste à votre entretien. »
Son discours laconique était accompagné d’un sourire innocent, certes, mais une lueur plutôt moqueuse brillait dans son regard. Il avait ôté ses lunettes et jouait avec les branches... des doigts nerveux, nota-t-elle.
« - John-Philip O’Malley... » déclara Bridget Bentler, en s’asseyant. « John-Philip est entré depuis peu dans notre société : il dirige le département commercial. »
Intérieurement, Marion sourit de la manière dont l’organisation de Ronald Greeman était présentée.
« - Vous êtes arrivée hier après-midi de Paris, n’est-ce pas?» lui demanda l’associée du trafiquant.
  - Vous êtes bien informée... Oui, je suis venue par le vol direct en provenance de Paris... tout comme M. O’Malley, n’est-ce pas ? Il me semble vous avoir vu dans l’avion. » répliqua-t-elle, en sondant l’homme.
La Nord-Américaine l’imita et fronça les sourcils, visiblement surprise par le contenu de la remarque anodine. John-Philip O’Malley remit ses lunettes. Pourtant, cela n’empêcha pas Marion de voir fugitivement une contrariété ou, même, une colère dans ses yeux bleus. D’un ton froid, il rétorqua :
« - Vous m’avez confondu avec quelqu’un d’autre... Eventuellement, vous avez pu m’apercevoir à l’aéroport de Vancouver ; mon vol arrivait de Seattle samedi après-midi.
  - En effet, vous devez avoir un sosie ! » répondit la jeune femme, avec une expression insolente qui le traitait en même temps de menteur.
Maussade, il continua à la fixer jusqu’à ce que Bridget Bentler intervînt :
« - Mme Leroy, vous êtes consciente que nous ne pouvons pas vous donner une réponse à l’instant.
  - Je m’en doute... Mais n’oubliez cependant pas que j’ai une seconde proposition par ailleurs.
  - Concluez avec ces gens-là alors ! Cela vous évitera des soucis ! » lança John-Philip O’Malley, cinglant.
  - Il m’a été dit que M. Greeman recherchait activement des partenaires. J’ignore si votre réflexion lui plaira.
  - Ecoutez, un marché est toujours un marché. Vous êtes demandeur et, nous, offreur. Nous pouvons nous entendre. » dit Bridget Bentler, en adressant un œil furieux à son complice.
  - Vous connaissez ma requête et mes conditions. Et, bien sûr, avant la livraison à Terre-Neuve, nous verrons la marchandise. » imposa Marion.
  - Quel est le délai? » questionna John-Philip O’Malley, beaucoup plus posé qu’auparavant.
  - Une semaine... Nous sommes le 1er octobre... La marchandise devra être prête à quitter Terre-Neuve pour Saint-Pierre-et-Miquelon lundi 9 octobre ; exceptionnellement, nous pourrions accepter mardi 10.
  - Et dans le cas contraire ? Je veux dire si nous repoussons l’échéance ? » s’enquit Bridget Bentler.
  - Mlle Leroy n’acceptera pas notre nouvelle proposition. » répliqua le Canadien.
En même temps, il avait tourné la tête vers Marion. Il retira ses lunettes et parut défier la jeune femme. Il l’incitait à refuser ; elle en était certaine.
« - Un délai supplémentaire nous permettrait de réunir le nombre souhaité de kilos. » exprima Bridget Bentler.
  - Combien de jours auriez-vous réellement besoin, M. O’Malley, pour satisfaire à ma demande ? »
L’homme sursauta presque à la question. Ses yeux se posèrent sur Marion puis sur sa complice et, à nouveau, sur l’Européenne. Ses sourcils s’arquèrent. D’une voix grave, il révéla enfin :
« - Dix jours... Cela vous convient ?
  - Je peux te parler ? » interrogea Bridget Bentler à l’égard de John-Philip O’Malley. « ... En privé. »
D’un hochement du menton, il acquiesça tandis qu’elle-même déclarait :
« - Excusez-nous ; notre entretien sera bref. »
Tous deux allèrent près du muret, au bord du Pacifique. Wang Li perdu dans ses pensées, Marion les observa, sans s’en cacher. L’amie de Ronald Greeman chuchotait quasiment, mais il ne faisait aucun doute qu’elle était en colère. Après un regard sur leur associée potentielle, John-Philip O’Malley rétorqua une phrase avec un geste de la main. Bridget Bentler éleva le ton :
« - Il ne sera pas d’accord !
  - Si... Dans son intérêt... »
Sur ces paroles, ils poursuivirent leur dialogue en baissant la voix. Une trentaine de secondes plus tard, le couple revenait vers la Française. Celle-ci perçut nettement la tension régnante entre l’homme et la femme. Avec un sourire toutefois, Bridget Bentler annonça :
« - Je dois téléphoner... »
Elle s’éloigna avec l’Asiatique. Debout, Marion leva la tête.
« - Alors, M. O’Malley, vous n’avez pas dit à vos petits camarades que vous veniez en réalité de Paris ? »
Sa réaction ne tarda pas. Il s’empara de son poignet.
« - Vous ne m’avez pas vu... Compris ? » ordonna-t-il, glacial.
  - Lâchez-moi ! »
Elle tenta de se libérer en vain : il la serrait trop fort.
« - Pas avant que vous ne m’ayez répondu ! »
Marion demeura muette. Une phrase de Mei Shunfu lui revint alors en mémoire.
« - John-Philip, ne me faites pas croire que vous êtes une brute... Surtout avec les femmes... Vous me décevriez fortement ! »
L’effet fut éloquent : il la relâcha. Ses doigts avaient laissé des marques sur sa peau. Elle porta son attention sur son compagnon. Une lueur étrange régnait dans ses prunelles et, lui-même, semblait complètement absent, à des années de lumière de là.
« - John-Philip ?
  - Philip. » reprit-il, dans un murmure.
Malgré tout, entendre le son de sa propre voix le fit réagir et revenir immédiatement à l’instant présent. Sur le visage de la jeune femme devait apparaître une interrogation indubitable.
« - Mes... amis m’appellent ainsi... C’est plus court. » conclut-il.
Ses propos n’empêchèrent pas qu’elle eut conscience de son embarras soudain. Ses traits, son ton le trahissaient aisément. Les yeux bleus avaient perdu toute leur agressivité précédente et, singulièrement, Marion ressentit presque comme une pitié à son égard. Pendant quelques dixièmes de secondes, l’homme avait quitté son piédestal. Il s’était retrouvé accessible et, davantage même, vulnérable, plus vulnérable qu’elle.
« - Pourquoi leur avez-vous menti? Vous étiez dans le même avion que moi... Vous ne pouvez pas le nier ! »
Se retournant, elle suivit son regard. Wang Li et Bridget Bentler les rejoignaient. John-Philip, ou simplement Philip, O’Malley serra les lèvres. Marion comprit qu’il réalisait sa position, devenue très inconfortable. Elle aurait voulu se réjouir de ce changement radical de situation, mais n’y réussit pas. Alors qu’elle avait un moyen très impromptu de chantage, elle le regrettait plutôt.
« - C’est d’accord... Vous aurez la marchandise dans les temps voulus. » affirma-t-il, très vite.
Bridget Bentler sourit à sa future cliente en rangeant son téléphone portable.
« - J’ai pu parler à notre directeur. »
Elle s’arrêta puis continua envers Philip O’Malley :
« - Il a dit que tu connaissais mieux cette transaction que lui... Que tu es au courant des différents marchés... N’est-ce pas ? »
Tous deux se dévisagèrent. Marion pensa saisir la raison de leur mésentente. Philip O’Malley possédait un pouvoir de décision que sa complice n’avait pas... ou plus... vis-à-vis de Ronald Greeman.
« - Je vais m’informer des délais de livraison et je vous recontacte le plus tôt possible. » s’adressa Philip O’Malley à son égard.
Elle fut tentée de lui rappeler la promesse qu’il lui avait faite un peu plus tôt avant de se raviser. Attendre était plus pertinent. Il était conscient de la supériorité momentanée de la Française. S’il la trompait, elle révélerait sa supercherie.
« - J’attends de vos nouvelles ! » répondit-elle, avec simplicité.
  - Mme Leroy, vous savez que nous procéderons à plusieurs vérifications vous concernant. » énonça Bridget Bentler. « Wang Li est un remarquable expert en matière de renseignements. »
Aussitôt, un fin sourire se dessina sur les lèvres de l’Asiatique. A ses heures, il devait être rusé et s’avérer un adversaire redoutable dans son domaine.
« - Je n’ai absolument rien à me reprocher... J’aimerais juste vous demander d’agir de manière prompte dans vos contrôles... Mes clients voudraient être livrés sans retard.
  - Soyez tranquille; il n’y aura aucun problème. J’y veillerai personnellement. » assura Philip O’Malley, d’une voix sereine qui exigeait en même temps de ne pas être contredit. Son intransigeance l’exprimait clairement.
« - Puis-je me permettre de vous poser une question ? »
Marion se tourna vers Bridget Bentler.
« - Oh ! Bien sûr !
  - Avez-vous réellement d’autres... contacts... pour les fournisseurs ?
  - Hum !... Je suis persuadé que vous n’en avez pas ! » répliqua Philip O’Malley, avec un léger sourire non dissimulé.
  - Vous en êtes si certain ? » interrogea Marion.
Le Canadien acquiesça du bout des lèvres.
« - Sur cette partie du continent, seul Norman Grant aurait pu vous en fournir... Cependant, actuellement ses réserves sont au plus bas. » poursuivit-il, à nouveau moqueur.
  - Je ne dévoilerai pas l’ensemble de mes manœuvres, mon cher ami ! » rétorqua la jeune femme, presque narquoise.
  - Cela est, en effet, un fort habile plan… ma chère amie ! » retourna Philip O’Malley, sur un ton identique, en la détaillant profondément.
  - Méfiez-vous. » conseilla Bridget Bentler. « John-Philip adore user de son charme... Il le fait parfois un peu trop même !
  - Quelle réputation de Don Juan désire-t-on me donner !
  - Cela n’est-il donc pas vrai ? » interpella Marion, faussement ingénue.
Une expression boudeuse passa sur les traits de l’homme qui dit, mystérieux :
« - Je ne sais pas.
  - Quel modeste ! » lança Bridget Bentler.
Philip O’Malley avait posé les yeux sur Marion. L’instant d’après, il détournait son regard vers le Pacifique. A voix basse, Wang Li s’adressa à la collaboratrice de Ronald Greeman :
« - Trois bancs, derrière nous, il y a deux individus... »
Suspicieux, ils se retournèrent. Un couple, tendrement enlacé, était assis là.
« - De simples amoureux. » constata Philip O’Malley.
  - Wang Li ? »
Ce dernier fixa Bridget Bentler qui venait de l’appeler.
« - Je crois devoir contredire notre ami John-Philip... Il a une mauvaise connaissance des policiers. »
A nouveau, Marion regarda subrepticement les inconnus qui devisaient doucement. Un éclair surgit dans sa mémoire et elle examina encore la promeneuse. Oui, les cheveux beaucoup plus longs et devenus blonds, elle ressemblait ainsi à la touriste qui attendait un taxi, à l’aéroport de Vancouver, la veille... en compagnie de son mari. A présent, la jeune femme se souvenait très bien d’eux. Comme elle, ils avaient assisté à l’accident dont avait été victime Scott Brincat. Malgré tout, contrairement aux voyageurs les plus proches, ce duo étrange n’avait pas esquissé un seul geste vers le mourant. Tranquillement, il était resté à sa place; elle, se remaquillant, lui, pliant son journal, peu soucieux, l’un et l’autre, du drame qui venait de se produire. C’était à cause de leur totale indifférence qu’elle les avait remarqués. La complice de Ronald Greeman lâcha un juron.
« - Vous êtes sûr que ce sont des policiers ? Et pourquoi seraient-ils ici ?
  - ... Police canadienne ? américaine ? Que dit notre ami Wang Li ? » s’enquit Philip O’Malley, en observant celui-ci.
  - Ou ils peuvent être de connivence avec Grant. Seulement, je crois qu’ils seraient déjà intervenus... Et si Grant souhaitait te parler, il aurait pris depuis longtemps son téléphone ! » répliqua Bridget Bentler de manière judicieuse, bien que très contrariée par cette présence impromptue et indésirable.
Marion poussa un soupir sans retenue. Une moue sur les lèvres, elle opposa sèchement :
« - Ceci ne me convient pas du tout, vous savez. Je voulais traiter avec M. Greeman et je risque d’avoir à mes trousses, soit ses rivaux, soit la police des Etats-Unis ou celle du Canada !
  - Vous n’avez pas à vous alarmer ! » certifia la Nord-Américaine.
  - J’espère que vous avez raison.
  - Bridget a souvent raison. » répondit Philip O’Malley, le visage pourtant peu avenant en toisant sa complice.
Celle-ci voulut attaquer mais Wang Li la devança :
« - Séparons-nous. John-Philip vous contactera, Mlle Leroy. Pour l’instant, le plus sage est de ne pas rester, ici, ensemble... Méfiez-vous en rentrant à votre hôtel ; faites des détours et assurez-vous de ne pas être espionnée. Si votre... sécurité n’était pas garantie, notre contrat éventuel s’annulerait automatiquement.
  - Cela est évident ! » dit Marion, en fronçant les sourcils. « Je m’attendais à cette réaction... Il n’y aura aucun problème... de notre part: nous ne sommes pas des débutants... Je crois, au contraire, que des difficultés peuvent survenir... de votre côté.
  - Si chaque partie respecte les clauses du contrat, même si celui-ci n’est que oral pour le moment, il n’y aura pas d’obstacles pour nous. » déclara Philip O’Malley.
  - Je vous remercie de m’avoir appelée. »
A l’adresse du Canadien, la jeune femme reprit :
« - N’oubliez surtout pas de me téléphoner ce soir à dix-huit heures.
  - Dix-neuf heures... Si cela ne vous ennuie pas... Je préfère me garder un certain délai afin de vous donner une réponse qui soit la plus juste. »
Peu après, il la salua.
« - A ce soir ! »
Elle serra la main tendue puis celles de Wang Li et de Bridget Bentler qui lui sourit largement.
                 Longeant le Pacifique, Marion s’éloigna. Quelques mètres plus loin, elle ne put s’empêcher toutefois de se retourner : Philip O’Malley la suivait des yeux. Continuant sa marche d’un pas tranquille, elle s’arrêta ensuite pour savourer un hot-dog, près d’une aire de jeux, au bord de l’océan. Au loin, un tanker avait stoppé ses machines. Deux bateaux de marchandises se croisaient tandis qu’un ferry commençait sa longue route vers l’Alaska, emmenant à son bord des centaines de passagers. Elle recula brusquement; la blanche écume venait de lui lécher les pieds. Avec plaisir, la Française respira cette senteur salée qui venait des profondeurs de la mer. A demi enterrés par le sable, de nombreux troncs d’arbres gisaient là. Elle mit le pied sur l’un d’eux et réfléchit à l’entretien qu’elle venait d’avoir. Les premiers jalons étaient posés. Il lui fallait maintenant patienter en attendant les prochaines actions et leurs résultats.
                 Quatorze heures dix. Marion porta un long regard en direction des vagues avant de revenir vers la promenade côtière. Philip O’Malley et ses compagnons s’étaient éclipsés, tout comme le couple suspect. Elle longeait Second Beach, l’une des plages les plus fréquentées de Vancouver, lorsqu’un ballon rouge vint la heurter. Le propriétaire du jouet accourut.
« - Vraiment désolé, m’dame ! » s’excusa l’homme d’une vingtaine d’années, en tenue de sport.
  - Ce n’est rien.
  - Par contre... » commença-t-il, en baissant la voix.
Elle vit son sourire diminuer. L’inconnu annonça :
« - Nous avons reçu votre message. Nous sommes prêts à vous fournir la quantité voulue de produits.
  - Mon message ?
  - Oui, oui... » chuchota-t-il.
  - Et comment saviez-vous où me trouver à cette heure-là ?
  - Oh ! Nous avons des indicateurs performants... Nous n’ignorons pas qu’un autre groupe vous a déjà contactée... Mais cela n’interdit rien... Nous avons d’excellents arguments: bonne qualité, bon prix... »
Marion acquiesça du menton.
« - Bien sûr... Sauf que je veux des éléments concrets.
  - Je peux vous fixer un rendez-vous.
  - Pour qui travaillez-vous ?
  - Je ne suis pas en mesure de vous le dire !
  - Trêve de plaisanteries ! Donnez-moi un contact... Un nom, un numéro de téléphone. »
L’individu griffonna deux lignes sur un bout de papier. Après une hésitation, il le lui tendit.
« - Nous vous appellerons... Nous savons où vous demeurez...
  - La vie n’a donc aucun secret pour vous !
  - Aucun ! »
Il s’éloigna à la seconde même, en faisant rebondir le ballon sur le sol. Discrètement, elle l’observa. Quelques mètres plus loin, à un carrefour, l’homme traversa la rue. Bientôt, entouré par la foule, il disparut de son regard.

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